LA PLATEFORME AMAZON peut-elle être condamnee en cas de VENTE DE produits contrefaisant ?

Par un arrêt de principe rendu le 22 décembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la plateforme Amazon peut être tenu responsable de la promotion et la distribution de faux produits Louboutin par des vendeurs tiers sur son site.

Dans cette affaire, la célèbre marque de chaussures de luxe Louboutin avait introduit deux actions en contrefaçon de marque à l'encontre de la plateforme Amazon, la première devant le Tribunal du Luxembourg en septembre 2019 et la seconde devant le Tribunal de l'entreprise francophone de Belgique en octobre 2019.

Amazon se défendait en indiquant qu'elle ne réalisait aucun "usage" de la marque du demandeur au sens de la loi et qu'elle n'était pas responsable des annonces de ventes des produits contestés par des vendeurs tiers sur sa plateforme. Elle citait comme exemple les plateformes comme Ebay et Rakuten, lesquelles avaient obtenu gain de cause dans de précédentes procédures sur la base de cette argumentation.

Les Tribunaux belge et luxembourgeois ont sursoit à statuer et ont saisi la Cour (avec plusieurs questions préjudicielles) sur les conditions dans lesquelles, sur le fondement de l'article 9 du RMUE, la responsabilité d'une plateforme de vente en ligne pouvait être recherchée.

La question était d'autant plus sensible que plusieurs décisions avaient déjà été rendues dans des circonstances similaires, mais pas identiques.

Ainsi, la Cour a mis en exergue plusieurs particularités pour justifier sa décision :
- elle souligne tout d'abord qu'Amazon n'est pas similaire aux plateformes de vente en ligne telles qu'Ebay et Rakuten dès lors qu'Amazon ne fait pas qu'héberger des annonces de vente postées par des vendeurs tiers, mais qu'elle proposait aux côtés de celles-ci ses propres annonces de vente
- elle ajoute qu'Amazon "recourt à un mode de présentation uniforme des offres publiées sur son site Internet, affichant en même temps ses propres annonces et celles des vendeurs tiers et faisant apparaître son propre logo tant sur son site Internet que sur l’ensemble de ces annonces" y compris celles postées par des vendeurs tiers
- elle souligne également "la nature et l’ampleur des services fournis" par Amazon aux vendeurs tiers, et notamment "ceux consistant dans le traitement des questions des utilisateurs" et/ou ceux relatifs à "l’expédition et à la gestion des retours des produits des vendeurs tiers "

La Cour en déduit qu'eu égard à ces considérations, “l’utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif de son site a l’impression que c’est cet exploitant (Amazon) qui commercialise, en son nom et pour son propre compte, les produits contrefaisants en cause”.

La CJUE répond aux questions préjudicielles en indiquant que les dispositions invoquées par Louboutin comme fondement de son action en contrefaçon de marque (à savoir l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement 2017/1001) doivent être interprétées en ce sens que l’exploitant d’un site Internet de vente en ligne intégrant, outre les propres offres à la vente de celui-ci, une place de marché en ligne est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à une marque de l’Union européenne d’autrui pour des produits identiques à ceux pour lesquels cette marque est enregistrée, lorsque des vendeurs tiers proposent à la vente, sur cette place de marché, sans le consentement du titulaire de ladite marque, de tels produits revêtus de ce signe, si un utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif de ce site établit un lien entre les services de cet exploitant et le signe en question.

Ce sont dans ces conditions et à la lumière de cet arrêt que les juges belge et luxembourgeoise devront apprécier le comportement d'Amazon.

Cette décision se distingue des précédentes jurisprudences rendues à l'encontre d'Amazon et d'autres plateforme similaires comme Cdiscount, et pourrait ouvrir la voie d'une nouvelle jurisprudence en matière de responsabilité des plateformes de vente en ligne.

(CJUE, 22 décembre 2022, affaires jointes C‑148/21 et C‑184/21)

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